Stefan Engel, Gabi Fechtner, Monika Gärtner-Engel
La guerre d’Ukraine et la crise ouverte du système impérialiste mondial
Table des matières
1. La guerre d'Ukraine et le danger aigu d'une Troisième Guerre mondiale
3. L'interaction entre le fascisme et la guerre
4. Le passage à la guerre économique mondiale
5. La guerre en Ukraine accélère l'évolution vers une catastrophe écologique mondiale
6. Le passage de l'opportunisme au social-chauvinisme
7. Une nouvelle phase de déstabilisation accélérée du système impérialiste mondial
8. Résistance active contre la Troisième Guerre mondiale
1. La guerre d'Ukraine et le danger aigu d'une Troisième Guerre mondiale
Le conflit qui couvait depuis des années entre l'OTAN et la Russie, a dégénéré le 24 février 2022 en une guerre ouverte en plein cœur de l'Europe avec l'invasion massive de troupes russes sur le territoire ukrainien.
Le même jour encore, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock (Les Verts) a déclaré de manière démagogique que les « obsessions » du président russe Vladimir Poutine étaient la cause de la guerre et qu’elles seraient inacceptables pour la « communauté mondiale ».1 Le 27 février 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a reconnu comme cause de la guerre « une seule raison : la liberté des Ukrainiennes et des Ukrainiens remet en question le propre régime d'oppression (de Poutine) ».2 De son côté, Poutine a justifié son invasion de manière démagogique en avançant comme objectif de guerre « la démilitarisation et la dénazification de l'Ukraine ».3
Aucune de ces explications et tentatives de justification n'atteint cependant le cœur du problème : Il s'agit d'une guerre injuste des deux côtés, entre la Russie nouvellement impérialiste et l'Ukraine capitaliste. Encouragée et armée jusqu'aux dents par l'OTAN avec les États-Unis à sa tête, l'Ukraine agit au nom de cette alliance militaire impérialiste. Elle aspire à entrer dans l'UE et l'OTAN pour réaliser ses propres objectifs de pouvoir. La véritable cause sociale de cette guerre réside « dans le développement économique et politique inégal des États impérialistes, qui pousse à une redistribution des zones d'influence ».4 Selon le classique de la science militaire, Carl von Clausewitz, « la guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens ».5 C'est pourquoi il est nécessaire d'examiner « l'ensemble des données sur les bases de la vie économique de toutes les puissances belligérantes et du monde entier »6 qui ont précédé la guerre d'Ukraine.
La lutte pour le repartage du monde
L'effondrement de la superpuissance sociale-impérialiste qu'était l'Union soviétique et du Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM) en 1990/1991 a conduit à la création d'un marché mondial unique. Cela a entraîné une nouvelle organisation de la production capitaliste internationale. Ce processus de la nouvelle organisation économique et politique du monde a bouleversé l'ensemble de l’ancien système impérialiste mondial.7 Tous les pays impérialistes et les principaux monopoles internationaux du monde se livraient une concurrence acharnée pour la prédominance du marché mondial nouvellement émergé.
Entre-temps, des monopoles nationaux et des structures monopolistiques d'État s'étaient formés en Chine et dans certains pays très peuplés et autrefois sous dépendance néocoloniale. Ils ont conduit à l'émergence d'une série de nouveaux pays impérialistes. En 2017, on comptait déjà au moins 14 nouveaux pays impérialistes, dans lesquels vivait plus de la moitié de la population mondiale.8 Ils disputaient de plus en plus les débouchés et les zones d'influence aux États-Unis, au Japon et aux États de l'UE. Certains de ces pays ont développé une suprématie impérialiste régionale, notamment l'Inde, la Turquie, la Russie, l'Afrique du Sud, l'Arabie saoudite et le Brésil. Ils poursuivent les visions d’une propre prédominance impérialiste, développent des appareils de puissance militaire à croissance rapide et créent des centres de pouvoir idéologico-politiques à l’échelle mondiale pour manipuler l'opinion publique. Cela s'est accompagné d'une dangereuse évolution vers la droite des gouvernements de tous les pays impérialistes, dont le point culminant provisoire a été la présidence américaine du fasciste Donald Trump dans les années 2016 à 2020.
L'internationalisation de la production et du commerce a été suivie par l'internationalisation de la lutte de classe et des mouvements sociaux. Un prolétariat industriel international croissant a vu le jour et compte aujourd’hui près de 746 millions9 d’ouvrières et d'ouvriers industriels. Dès lors celui-ci a été à la tête de grèves et de conflits de classe importants à l’échelle mondiale. Les mouvements combatifs de la femme, des jeunes et écologiste ont également pris un nouvel essor transnational, et la lutte pour les droits et les libertés démocratiques s'est développée.
La concurrence inter-impérialiste s'est fortement aggravée après 2020, notamment avec la crise économique et financière mondiale qui a débuté en 2018, en interaction avec l’affreuse pandémie Corona. Alors qu'ils étaient auparavant la seule superpuissance, les États-Unis ont nettement reculé sur le plan économique et politique. La Chine, en revanche, est devenue une superpuissance économique et était sur le point de remplacer les États-Unis à la première place. La Chine est en train de jouer ce rôle aussi sur le plan politique et militaire. C'est l'objectif du gigantesque projet d’une « nouvelle route de la soie » qu'elle poursuit depuis 2013. La lutte concurrentielle entre les États-Unis et la Chine domine désormais de manière générale les contradictions inter-impérialistes, qui se développent en même temps de manière multipolaire.10 Le bloc impérialiste de l'UE se positionne lui aussi de plus en plus en concurrence avec les États-Unis, mais aussi avec la Chine. Au sein de l'Europe, l'UE et la Russie se disputent la suprématie politique.
La Russie fonde d’une part son profil particulier de nouvelle puissance impérialiste sur ses gigantesques richesses, notamment en matières premières fossiles. D'autre part, elle conserve sa force militaire qui lui reste de l'époque de l'Union soviétique sociale-impérialiste, en tant que l'une des deux plus grandes puissances nucléaires du monde. Depuis 2008, elle a encore renforcé cette position. Par contre, la Russie reste faible sur le plan économique. En 2020, sa production industrielle représentait moins de la moitié de celle de l'Allemagne. Les impérialistes russes sont conscients que leur rêve d'une superpuissance grande-russe ne peut se réaliser qu'en s'appropriant le potentiel des anciennes républiques soviétiques. Dès 1997, l'ancien conseiller américain à la sécurité Brzezinski avait écrit à ce sujet : « Sans l'Ukraine, la Russie n'est plus un empire eurasien ».11
C'est au plus tard depuis cette date que l'Ukraine est devenue un foyer de la lutte de pouvoir inter-impérialiste. Les États-Unis et l'UE aussi bien que la Russie focalisent l'extension stratégique de leurs zones d'influence européennes sur l'Ukraine.
La politique de pouvoir impérialiste de la Russie
En 2014, des pays occidentaux ont encouragé la chute du gouvernement prorusse de Ianoukovytch et, sous le Premier ministre pro-occidental Iatseniouk, l'Ukraine a été associée à l'UE. Cela a débouché en 2016 sur une zone de libre-échange UE-Ukraine.12 Les privatisations de centaines de groupes publics, surtout dans les secteurs minier et agricole, ont intégré de plus en plus l'Ukraine dans la sphère d'influence de l'impérialisme américain et européen. Dans le même temps, la Russie, profitant de l'oppression des populations russes dans l’Ukraine, a déclenché une guerre visant à annexer la partie du Donbass riche en matières premières à l'est de l'Ukraine.
En opposition fondamentale avec l'Union soviétique socialiste, l'impérialisme russe intervient systématiquement dans les affaires intérieures d'autres pays : en 2008, des troupes russes ont envahi la Géorgie, dont le gouvernement s'était tourné vers l'Ouest. Depuis, la Russie occupe une partie du pays. En 2014, la Russie a annexé la Crimée après une invasion militaire et peut désormais contrôler toute la mer Noire à partir de là. En 2015, elle s'est portée au secours du régime gravement affaibli d'Assad en Syrie, et a non seulement sauvé le pouvoir de ce dernier par des frappes aériennes inhumaines, mais a aussi renforcé sa propre influence stratégique au Moyen Orient. La Russie entretient des prétendus accords de sécurité ou coopère d'une autre manière avec environ 40 des 54 États africains.13
Les succès de la Russie ont entraîné un affaiblissement stratégique de l'impérialisme américain et d'autres puissances de l'OTAN, notamment en raison de la guerre en Irak lancée par les États-Unis en 2003, qui n'a jamais pu atteindre ses objectifs, et de l'échec de la campagne afghane de l'OTAN de 2001 à 2021. En 2015, la Russie a créé l'Union économique eurasienne avec la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et l'Arménie sous sa direction. Le refus de l'Ukraine d'adhérer à cette alliance a constitué un revers cinglant pour les ambitions de grande puissance de l'impérialisme russe.
La rivalité des puissances impérialistes de la Chine et des États-Unis
Parallèlement à la guerre en Ukraine, une lutte acharnée se développe entre les États-Unis et la Chine pour la suprématie dans l'Indo-Pacifique. Le 18 février 2022, peu avant le début de l'agression impérialiste de la Russie, la revue américaine Foreign Policy écrit : « Washington doit se préparer à la guerre aussi bien contre la Russie que contre la Chine ».14
Dans un discours prononcé en mars 2022, le président américain Joe Biden a affirmé que la guerre en Ukraine s'inscrivait dans la « grande lutte ... entre la démocratie et l'autocratie, entre la liberté et l'oppression, entre un ordre fondé sur des règles et un ordre dominé par la force brute ».15
« L’ordre fondé sur des règles » prôné par Biden n'est rien d'autre que la dictature du capital financier international dominant sans partage sous la direction des États-Unis en collaboration avec ses alliés occidentaux.
Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Le Yucheng a fait référence à la guerre en Ukraine lorsqu'il a lancé un avertissement en mars 2022 :
« La stratégie indopacifique (des États-Unis) est aussi dangereuse que la stratégie d'expansion vers l'Est de l'OTAN en Europe. Si elle n'était pas soumise à un contrôle, elle aurait des conséquences inimaginables et plongerait la région Asie-Pacifique dans l'abîme. »16
Pour assurer son ambition de puissance mondiale, la Chine a entre-temps créé la plus grande armée du monde en termes d'effectifs. L'alliance militaire « Organisation de coopération de Shanghai », dirigée par les puissances nucléaires, la Chine et la Russie, vise avant tout à contrer l'influence de l'OTAN :
La menace de l'OTAN pour la Russie
Depuis 1990, les États-Unis et l'OTAN n'avaient cessé de promouvoir leur élargissement à l'Est – malgré des promesses contraires non contestées. De ce fait, les troupes de l'OTAN ont progressé en de nombreux endroits jusqu'aux frontières de la Russie, et des missiles à courte portée menacent directement le territoire russe. Après l'adhésion à l'OTAN des pays baltes, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Slovénie, de l'Albanie et de la Croatie, du Monténégro et de la Macédoine du Nord, les États-Unis ont tenté d'intégrer aussi l'Ukraine à l'OTAN. Cela a d'abord échoué en raison de la résistance de l'UE, en particulier de l'Allemagne et de la France, qui ne voulaient pas mettre en danger leurs relations économiques et politiques avec la Russie.
Lors du Forum économique mondial de Davos en 2022, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg s'est vanté des mesures prises par l'OTAN pour la guerre en Ukraine :
« Nous … avons aujourd'hui plus de 40 000 soldats sous le commandement direct de l'OTAN, soutenus par des forces considérables dans l’air et en mer. Nous avons déployé des groupes de combat de la mer Baltique à la mer Noire et des centaines de milliers de troupes sont en état d'alerte maximale. ... Nous avons étendu les exercices ... et pour la première fois, une unité amphibie des États-Unis a également été placée sous le commandement de l'OTAN. » 17
La nature réactionnaire de la société ukrainienne
L'Ukraine dispose désormais de conditions essentielles pour devenir un nouveau pays impérialiste. C'est le deuxième plus grand pays d'Europe, avec de vastes ressources naturelles, de grandes étendues de terre noire fertile, une classe ouvrière bien formée et des monopoles en partie publics, en partie concentrés entre les mains d'oligarques.18 L'Ukraine est devenue un concurrent sérieux de l'impérialisme russe, juste à sa frontière.
Après l'annexion de la Crimée par la Russie, les États-Unis, en particulier, ont massivement équipé l'Ukraine et formé sur le plan militaire. Les troupes ukrainiennes ont participé à des exercices communs de l'OTAN. Les dépenses militaires de l'Ukraine ont augmenté de 142 pour cent entre 2012 et 2021.19 Début 2019, le Parlement ukrainien a inscrit l'objectif d'adhérer à l'OTAN et à l'UE dans la Constitution. En août 2021, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré avec une arrogance chauvine que le « compte à rebours pour la dé-occupation » de la Crimée était désormais lancé.20
En avril 2022, Ursula von der Leyen (CDU), la présidente de la Commission européenne, a élevé le président ukrainien Zelensky au rang de héros dans la lutte pour la liberté et la démocratie devant la presse mondiale réunie :
« Nous sommes à vos côtés si vous rêvez d'Europe ... Mon message aujourd'hui est que l'Ukraine fait partie de la famille européenne. »21
Alors que sous la surface de l'idylle familiale européenne on se livre de féroces batailles, il n'y a en réalité pas de différence essentielle entre l'Ukraine courtisée et les réalités de l'oligarchie en Russie. En 2020 encore, le « classement des démocraties » bourgeois de l'Université de Würzburg avait classé l'Ukraine comme « régime hybride » entre « démocratie » et « autocratie », encore derrière les « démocraties déficitaires ».22
Ainsi, l'homme le plus riche d'Ukraine, Rinat Akhmetov, possède une fortune personnelle de 7,6 milliards de dollars américains. Ami de longue date de Poutine, il soutient désormais l'OTAN et l'UE pour sauver son empire, dans lequel se trouvent « des usines d'acier et de tubes, des mines de charbon, des centrales thermiques, des parcs éoliens, des entreprises de télécommunication, une compagnie maritime, des banques, des assurances, des chaînes de télévision, des journaux, des grands magasins, des centres logistiques, des exploitations agricoles et Chakhtar, le club de son cœur ».23 D'autres « grands pontes » sont « l'armateur Andri Stawnizer ou l'agro-industriel Vadim Nesterenko ».24 Dans les reportages occidentaux, ces oligarques sont presque invisibles derrière l'être de lumière Zelensky. Le 23 février 2022, un jour avant l'invasion de la Russie, les 50 seigneurs monopolistes les plus riches d'Ukraine et Zelensky se sont juré de « tout faire pour renforcer l'unité nationale et empêcher l'occupation du pays ».25
Les perspectives d'un peuple ukrainien « libéré » et intégré à l'OTAN et à l'UE ne sont sans doute pas très paradisiaques. C'est ce que montre la réalité d'autres pays qui ont déjà « bénéficié » de cette libération : villes bombardées en Serbie après la guerre de l'OTAN en 1999, soumission néocoloniale et intégration de grandes parties des Balkans dans l'impérialisme de l'UE, voie libre pour le règne des talibans en Afghanistan ; pauvreté, chaos et corruption au Kosovo26, protégé par l'UE, promotion de monopoles, d’oligarques et de gouvernements de droite en tant que leurs représentants en Pologne ou en Hongrie, pauvreté qui sévit et bradage des biens publics par des programmes de crise dictés par l'UE en Grèce. L'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et à l'UE ne serait pas un acte de philanthropie, mais serait précieuse pour les impérialistes occidentaux parce qu'elle représenterait un affaiblissement considérable de l'impérialisme russe et donnerait plus de poids à leurs propres alliances.
2. La politique extérieure des pays impérialistes pour la préparation d’une Troisième Guerre mondiale
La méthode essentielle de la nouvelle organisation de la production internationale capitaliste était de poursuivre la concurrence par une politique de coopération et de coordination sur la base de la pénétration économique mutuelle. De cette manière, les monopoles internationaux et les États impérialistes tentaient d’obtenir une dominance économique ou hégémonie politique. Au plan idéologique, ils ont embelli ceci par la phrase du « Sur le commerce pour le changement ». En 1994, l’OTAN et 23 États européens et asiatiques, y inclus la Russie et autres pays non-membres de l’OTAN, ont initié un « partenariat pour la paix ». De manière prometteuse, l’OTAN a proclamé le 10 janvier 1994, lors de son sommet de Bruxelles :
« Ce partenariat traduit la conviction partagée que l'on ne peut assurer la stabilité et la sécurité dans la zone euro-atlantique que par la coopération et par une action commune. »27
En 2009, l’Agence fédérale pour la formation civique a divulgué ouvertement que ceci et le NATO-Russia Permanent Joint Council28 de 1997 n’avaient pour but que de calmer. Une intention de faire des concessions réelles n’a jamais existé :
« Il n’était pas question pour eux d’abandonner l’élargissement de l’OTAN, ils l’ont supplémenté par une nouvelle forme de collaboration consultative avec la Russie dans le quartier général de l’OTAN à Bruxelles. »29
Judicieusement, il est dit dans le livre « Le Crépuscule des Dieux sur le “ nouvel ordre mondial ” » de 2003 :
« L’évolution réelle réfute toute idée que la pénétration économique comme méthode principale de l’impérialisme rendrait les guerres superflues et que l’impérialisme pourrait être pacifique. »30
Les initiatives diplomatiques célébrées avant l’invasion russe de l’Ukraine n’étaient pas non plus poursuivies, ni du côté de l’OTAN, ni du côté de la Russie, avec une disposition sérieuse à trouver un compromis. Évidemment, le décalage des rapports de forces était arrivé à un point où les intérêts impérialistes contraires ne pouvaient être résolus que par une guerre. Ceci signifiait un saut qualitatif de la politique impérialiste de paix vers la politique impérialiste de guerre. Pendant la Première Guerre mondiale, Lénine a attiré l’attention sur la liaison inhérente suivante :
« En régime capitaliste, le développement égal des différentes économies et des différents États est impossible. Les seuls moyens possibles de rétablir de temps en temps l’équilibre compromis, ce sont en régime capitaliste les crises dans l’industrie, les guerres en politique. »31
Le déclenchement de la guerre en Ukraine était lié à la réorientation vers une politique extérieure et militaire ouvertement agressive de presque tous les pays impérialistes pour la préparation de la Troisième Guerre mondiale.
Tous les pays de l’OTAN se sont massivement armés après le commencement de la guerre, ont drastiquement augmenté leurs dépenses militaires et ont envoyé des troupes supplémentaires en Europe de l’Est. Au cours de quelques mois, jusqu’au 10 mai 2022, surtout les pays de l’OTAN ont accordé 34 milliards d’euros en armes et aides militaires à l’Ukraine. En tant qu’aide financière et « humanitaire » à l’Ukraine dans la guerre, au moins 33 milliards d’euros supplémentaires ont été transférés par les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’UE, l’ONU et la banque mondiale.32 La manipulation de l’opinion publique a assumé le caractère de guerre psychologique et est parfois passé au bellicisme ouvert.
L’OTAN a de nouveau provoqué la Russie par son « élargissement au Nord » quand la Finlande et la Suède ont abandonné leur politique de neutralité militaire et de non-alignement poursuivie durant des décennies et ont demandé l’admission à l’OTAN. Par conséquent, la ligne de confrontation directe entre l’OTAN et la Russie a été élargie de 1 300 kilomètres de frontière. Des autres pays impérialistes en dehors de l’OTAN ont aussi réorienté leur politique extérieure en réponse à la situation nouvelle – conformément à leurs intérêts respectifs. Plus de 40 pays33 se sont retrouvés lors d’une réunion le 26 avril 2022 dans la base militaire des États-Unis à Ramstein/Allemagne pour soutenir la stratégie militaire de l’OTAN. Une nouvelle alliance militaire antirusse avec le noyau de l’OTAN sous la direction de l’impérialisme US a été créée ; des réunions mensuelles ont été convenues sous cette forme.
L’Inde néo-impérialiste rejette des sanctions contre la Russie, louvoie entre la collaboration avec la Russie et les pays d’OTAN. Shinzo Abe, ancien premier ministre du Japon, a introduit un « partage nucléaire » au débat public, remettant en question un tabou de la politique japonaise jusqu’ici. La Turquie néo-impérialiste, qui est membre de l’OTAN et qui maintient des relations étroites avec la Russie ainsi qu’avec l’Ukraine cherche à se profiler dans le rôle du médiateur entre les parties prenantes de la guerre.
Le « tournant d'époque » de l’impérialisme allemand
Avec les décisions du 26/27 février 2022, le gouvernement fédéral allemand a lui aussi fait un virage vers une politique extérieure impérialiste ouvertement agressive. L’accord de coalition du nouveau gouvernement fédéral des SPD/Verts/FDP, conclu il y a quelques mois était déjà oublié, qui avait solennellement promis avec grandiloquence « une offensive de la politique de désarmement » et une « politique d’exportation d’armes plus restrictive »34, Quant à la réalisation de ce « tournant d'époque », nom donné à ce changement de cap par Olaf Scholz, des contradictions acharnées se sont quand même développées au sein de la coalition gouvernementale, dans les partis gouvernementaux et entre les différents partis représentés au Bundestag. Les contradictions à l’égard du gouvernement ont aussi grandi parmi les monopoles et au sein des masses populaires. Ces contradictions et aussi la grande dépendance de l’Allemagne des combustibles fossiles et de l’exportation globale de marchandises et de capitaux ont d’abord causé des retards relatifs aux livraisons d’armes à l’Ukraine et aux sanctions contre la Russie.
Après que l’impérialisme russe n’a pas atteint son objectif d’une « décapitation » rapide et de l’instauration d’un gouvernement favorisant la Russie à Kiev par son « opération militaire spéciale », il a concentré ses troupes pour une annexion rapide de l’Ukraine de l’Est et du Sud. Ceci a initié une deuxième phase de la guerre.
Dans ces parties de l’Ukraine se trouve une concentration importante de production sidérurgique, gisements de charbon, champs gaziers inexploités pour la fracturation hydraulique, centrales nucléaires, grande industrie agraire monopolisée et de main-d’œuvre bien formée. Par la conquête de villes portuaires d’une grande importance stratégique, comme Marioupol ou Odessa, la Russie cherche à établir un pont de terre à la péninsule de Crimée annexée, Ainsi elle cherche aussi à bloquer l’accès à la mer d’Azov et la mer Noire ce qui doit affaiblir durablement l’économie d’exportation de l’Ukraine.
Le changement d’objectif de l’OTAN dans la guerre en Ukraine
La résistance couronnée de succès des troupes ukrainiennes contre la conquête de Kiev par les envahisseurs russes a changé les objectifs stratégiques de l’OTAN dans son soutien de l’Ukraine sous pression de l’impérialisme US : passant de l’objectif initial de « l’arrêt des actes de guerre » à la « victoire sur les envahisseurs russes ». Lors d’une réunion avec Volodymyr Zelensky, organisée d’urgence ensemble avec Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, le 24 avril 2022 à Kiev, le ministre de Défense des États-Unis, Lloyd Austin, a proclamé :
« Ils peuvent gagner s’ils reçoivent le bon matériel et le bon soutien … Nous voulons que la Russie soit affaiblie au point où il n’est plus capable de quelque chose du genre de l’invasion en Ukraine. »35
Évidemment, les masses populaires du monde souhaitent à juste titre qu’une chose telle que l’invasion des troupes russes en Ukraine ne se passe plus jamais. Mais ce qui a été dévoilé maintenant, c’était le vrai objectif de l’OTAN, seulement emballé de manière humanitaire : l’affaiblissement stratégique de la Russie néo-impérialiste et en conséquence aussi son « Organisation de coopération de Shanghai » avec la Chine. Mais ces objectifs ne peuvent pas être accomplis sans armer massivement l’armée ukrainienne en fournissant des armes lourdes de l’OTAN, sans entrainement de l’armée ukrainienne dans les pays de l’OTAN et finalement sans son intervention directe. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné à l’impérialisme américain la constellation souhaitée pour imposer sa propre stratégie et contraindre les impérialistes de l’UE à suivre son cours de guerre agressif.
Les forces de premier plan du capital monopoliste allemand ont abandonné leur stratégie initiale – limiter la guerre et la terminer le plus vite possible – et ont décidé de soutenir le cours de guerre aggravé des États-Unis et de l’OTAN. Le 28 avril 2022, une « très grande coalition » au Bundestag a décidé la livraison d’armes lourdes à l’Ukraine.36 Ainsi, la participation de l’Allemagne dans la guerre en Ukraine a revêtu une nouvelle qualité.
En réponse aux livraisons d’armes lourdes de l’OTAN à l’Ukraine, la Russie les a immédiatement déclarés comme cibles pour l’armée russe.37
La Russie a menacé de déployer des armes nucléaires tactiques. Leur déploiement était déjà délibérément inclus dans les calculs de la conception de sécurité nationale russe datant de l’an 2000, qui a stipulé le « renforcement de la position russe comme grande puissance ».38 Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a préparé l’annulation de l’Acte fondateur entre l’OTAN et la Russie, dans laquelle l’OTAN s’est engagé, entre autres, à ne pas stationner des armes nucléaires en Europe de l’Est.
C’est un mensonge hypocrite que l’OTAN et le gouvernement fédéral allemand ont juré jusqu’à mai 2022, qu’ils ne voulaient pas du tout devenir une partie prenante de la guerre. Contrairement à cela, déjà le 16 mars 2022, une évaluation du Service scientifique du Bundestag allemand a constaté dans un jargon juridique alambique que les instructions liées aux livraisons d’armes pouvaient être considérées comme une entrée en guerre selon le droit international public, parce que
« s’il était aussi question d’instruire la partie prenante du conflit ou de l’entraîner dans l’usage de telles armes, on sortirait du domaine sécurisé de la non-participation à la guerre. »39
La Bundeswehr40 a officiellement commencé l’instruction de 18 équipages ukrainiens sur l’arme offensive Panzerhaubitze 200041 le 11 mai 2022 à Idar-Oberstein/Allemagne.42 L’OTAN reproche déjà aujourd’hui à la Russie la responsabilité d’une escalade possible vers une guerre mondiale nucléaire, mais le changement de la stratégie de l’alliance élargie de l’OTAN prépare délibérément la généralisation de la guerre à une Troisième Guerre mondiale. Les participants d’un tel conflit ne seront plus capables de maîtriser sa dynamique interne et doivent tenir en compte toutes les options – jusqu’à l’échange de coups dévastateurs avec des armes nucléaires, biologiques et chimiques.
3. L'interaction entre le fascisme et la guerre
Guerre impérialiste et fascisme sont des frères siamois. Willi Dickhut a écrit à ce sujet :
« Le fascisme n'est pas seulement une forme de domination de la réaction la plus sombre, de la pire répression à l'intérieur du pays contre le/son propre peuple, mais aussi une agression meurtrière à l'extérieur, contre d'autres peuples. Le fascisme, c’est la guerre ! »43
La loi martiale bourgeoise légalise meurtres, destructions ou dévastations après le début de la guerre contre un adversaire militaire. D’une manière générale, elle est associée à l'état d'urgence en politique intérieure.
Le président de la République russe Poutine avait établi sa position dominante déjà pendant des années avec des méthodes fascisantes dans l'intérêt du capital financier russe. Il a fait éliminer l'opposition critique envers le gouvernement, réduire la liberté de presse et placer sous le contrôle étatique les médias critiques. Les vrais marxistes-léninistes ont été persécutés et gênés massivement dans leur travail.
Vladimir Poutine entretient des coopérations multiples et étroites avec des personnes et des organisations fascisantes et fascistes en Europe comme « Aube dorée » en Grèce, l’AfD en Allemagne, le Rassemblement national en France ou le Fidesz en Hongrie. À partir de la Russie des « Usines à trolls » propagent par millions dans les « médias sociaux » des théories du complot réactionnaires, des propos incendiaires racistes contre les réfugiées et une propagande chauvine.
Avec la conduite directe de la guerre le développement réactionnaire en Russie a fait un saut qualitatif. L'organisation de l'ICOR44 Plate-forme marxiste-léniniste (MLP) écrit de manière pertinente à ce sujet :
« En Russie, une dictature fasciste a été établie. »45
Avec une majorité des deux tiers, détenue par le parti de Poutine « Russie unie » et le soutien sans critique de la politique de guerre impérialiste par tous les partis représentés dans la Douma46 Poutine peut aussi gouverner de manière absolue sans déclarer formellement la Loi martiale. Par la suite, le travail de presque tous les médias a été rendu impossible. Internet et les « réseaux sociaux » étaient disponibles seulement pour la propagande pro-gouvernementale. Le service de censure Roskomnadsor a interdit la désignation de l'invasion de l'Ukraine comme « guerre ». Depuis le 4 mars 2022 sont passibles de la peine la plus sévère : « discréditer les forces armées de la Fédération russe » ainsi que propager de « fausses informations » sur les forces armées. En cas de récidive on risque une détention allant jusqu'à 15 ans. Déjà pendant les premiers jours de la guerre en Ukraine 13 000 adversaires de la guerre au moins ont été arrêtés et condamnés à des peines sévères, parmi eux aussi de nombreux marxistes-léninistes qui avaient participé aux protestations courageuses.
L'anticommunisme dans la guerre en Ukraine
Pour capter une base de masse bienveillante parmi le peuple russe Poutine minimise démagogiquement la guerre d'agression en une « opération militaire spéciale » motivée par l’antifascisme.
Le Parti des travailleurs communistes russes (PTCR), membre dans le réseau néo-révisionniste solid, révèle cette justification mensongère :
« Vu du point de vue de la position de classe, les détenteurs du pouvoir russes, de même que ceux des États-Unis et de l'UE, se fichent complètement de la population travailleuse dans le Donbass, ainsi qu'en Russie et dans l'Ukraine. Nous n'avons aucun doute que les vrais objectifs de l'État russe dans cette guerre sont tout à fait impérialistes ... »47
Par contre, les révisionnistes du Parti communiste allemand (DKP) ont attesté encore en 2017 que la Russie « agit … objectivement de manière anti-impérialiste »48. Après le déclenchement de la guerre, ils ont fabulé « d’une prévention contre une attaque imminente »49.
Même pas le fait que Poutine lui-même met l'anticommunisme ouvert au centre pour légitimer son attaque, peut ébranler cette opinion absurde du DKP. Trois jours avant l'attaque impérialiste contre l'Ukraine Vladimir Poutine faisait une déclaration de principe, dans laquelle il a attaqué la politique des bolcheviques sur les nationalités, notamment de Lénine50 et de Staline51, selon laquelle
« l'Ukraine actuelle (serait créé) complètement et sans restriction … par la Russie bolchevique, communiste. ... Lénine et ses compagnons » auraient agi « de manière extrêmement impitoyable contre la Russie ». Il a vu la responsabilité dans les « idées d'une construction d'État confédérale et dans la parole du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes jusqu'à la séparation », sur lequel le « statut de l'État soviétique » était fondé52.
En effet : La politique socialiste à l’égard des nationalités sous Lénine et Staline et la guerre d'agression impérialiste russe sont complètement opposées. L’union volontaire des nations socialistes dans l'URRS, la promotion de la langue et de la culture respectives et la vie commune internationaliste de toutes les républiques soviétiques et de leurs ethnies était le leitmotiv qu’elles vivaient. La Grande Guerre patriotique et sa victoire sur le fascisme hitlérien étaient soutenues par toutes les nationalités soviétiques.
Comment les écrivaillons anticommunistes en Allemagne sont-ils insolents, qui imputent à Poutine à la façon d’un moulin à prières de se trouver dans la tradition de Staline. Ainsi le journal capitaliste Handelsblatt prétend sur Poutine :
« Il est un Staline qui était atteint de paranoïa et massacrait son peuple à volonté. »53
Cependant, ce sont plutôt les faiseurs d'opinion bourgeois qui souffrent de paranoïa. Ils ont peur de l’attirance du socialisme et des acquis de la direction d'État par Staline, qui sont arrivés dans la discussion par les attaques de Poutine ! Pourtant c’est justement le haut commandement sous Staline qui a mené avec succès la libération de l'Ukraine du fascisme hitlérien. L'Armée rouge en commun avec les partisan.e.s héroïques a remporté la victoire sur la Wehrmacht allemande. Sur l'ordre du capital financier allemand la Wehrmacht a assassiné quatre millions de personnes en Ukraine, a fait dix millions de sans-abri, détruit 16 150 entreprises industrielles et 400 mines et rasé 714 villes et 28 880 villages. Les mineurs qui refusaient de collaborer avec le fascisme hitlérien ont été jetés vivants dans les puits54.
Par contre, des organisations fascistes ukrainiennes comme celle dirigée par Stepan Bandera ont collaboré avec le fascisme. C'est un scandale que celui-ci peut aujourd'hui encore être vénéré comme « héros »55 en toute impunité par l'ambassadeur ukrainien Andriy Melnyk, l'ami des fascistes. Bandera était un antisémite fervent et coresponsable, aux côtés des fascistes hitlériens, de la déportation et de l'assassinat de 800 000 juifs en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale56. On n’entend pas un mot de protestation de la part des saints combattants contre l'antisémitisme dans les partis bourgeois en Allemagne quand Melnyk propage son bellicisme provocateur !
L’attitude libérale à l’égard des fascistes en Ukraine et leur promotion parfois systématique, jusqu'à l'intégration de la brigade d'Asov dans l'armée ukrainienne, servent à Poutine de lignes de justification pour son attaque contre l'Ukraine. En mélangeant vérités, demi-vérités et mensonges, Poutine renoue de manière démagogique avec la fierté légitime des masses populaires russes et ukrainiennes de la victoire de l'Union soviétique sur le fascisme hitlérien. Ainsi il détourne l'attention des véritables motifs de la guerre d'agression : de la lutte actuelle du nouvel impérialisme russe pour la prédominance en Europe.
L'Ukraine – un État complètement capitaliste et réactionnaire
C'est du sarcasme quand le chancelier Olaf Scholz (SPD) prétend : La guerre de la Russie contre l'Ukraine « se dirige contre tout ce qui constitue la démocratie »57. En vérité, en Ukraine, tout ce qui constitue la démocratie bourgeoise était réprimé sous la domination des oligarques et aussi du gouvernement de Volodymyr Zelensky déjà dans les années passées. En 2015 des symboles communistes ont été interdits, des luttes ouvrières réprimées, aussi après l'avènement au pouvoir du gouvernement Zelensky. Pendant des années, l'UE a rejeté la demande d'adhésion de l'Ukraine, parce que celle-ci ne remplissait des critères d'admission essentiels tels qu’une « démocratie stable fondé sur l'État de droit, ... mais aussi … une économie de marché viable et compétitive »58. Encore en septembre 2021, donc longtemps après l'élection de Zelensky au poste de président 2019, la Cour des comptes européenne (CCE) a attesté à l’Ukraine que « la grande corruption (était) un problème central »59. L'organisation humedica a déclaré, déjà en 2021, à propos de la situation sociale en Ukraine :
« Un revenu mensuel d'environ 350 euros et un coût de la vie au niveau de l'Europe occidentale – aujourd'hui plus de 45 pour cent de la population est considérée comme pauvre. … Les personnes qui, en Ukraine, ont besoin d’aide médicale ou qui mettent au monde un enfant malade voire handicapé, sont souvent confrontées à la ruine financière. »60
Par contre, rien que les sept hommes les plus riches du pays possédaient en 2021 une fortune personnelle de 11,9 milliards de dollars américains61. En janvier 2022, une loi linguistique raciste est entré en vigueur en Ukraine discriminant la langue russe dans l’espace public – bien que 40 pour cent de la population ukrainienne parle russe dans le milieu privé.
Avec le début de la guerre, la loi martiale a été instaurée en Ukraine et tous les droits et libertés ont été suspendus. La violence est devenue la principale méthode de domination : travaux forcés, expropriation, restriction de la liberté de circuler, interdiction complète des réunions et grèves, interdictions des partis, censure des médias, service militaire obligatoire, internement des étrangers ou suspension des élections.
Toute opposition au régime de Zelensky est désormais persécutée et éliminée sous l'accusation « d'activité prorusse ». Le 18 mars 2022, le président a interdit par décret les activités de onze partis de l'opposition, dont le Bloc des forces de gauche, l'Opposition de gauche et le Parti socialiste d'Ukraine. Le 20 mars, un décret a été adopté pour fusionner toutes les chaînes d’information nationales sous le contrôle du gouvernement.
L'organisation de l'ICOR Conseil de coordination du mouvement ouvrier de l'Ukraine (KSRD) a fait un rapport sur les attaques particulières contre la classe ouvrière :
« En même temps, les autorités ukrainiennes ont durci le droit du travail sous la loi martiale. … licenciement beaucoup plus facile des ouvriers et des ouvrières, augmentation de la durée hebdomadaire du travail de 40 à 60 heures et suppression des jours fériés nationaux. … Toute grève est interdite. »62
La manière dont Volodymyr Zelensky – parfaitement mis en scène dans son T-shirt vert olive et sa barbe de trois jours – se présente à l'échelle internationale comme un valeureux défenseur de la liberté et de la démocratie est difficilement égalable en termes d’hypocrisie.
La classe ouvrière et les masses populaires en Ukraine ont tout à fait le droit de se défendre contre l'agression impérialiste de la Russie, les armes à la main. Cependant, dans la lutte pour une paix immédiate, ce gouvernement n'est pas un partenaire honnête. À fortiori dans la lutte pour la libération sociale, il faut aussi remporter une victoire sur son propre gouvernement, le renversement du régime réactionnaire de Zelensky. L’internationalisme prolétarien est entièrement solidaire de cette guerre compliquée sur deux fronts, menée par les masses populaires ukrainiennes.
La guerre accélère le développement vers la droite à l’échelle mondiale
Le 24 mars 2022, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a déclaré l'état d'urgence dans son pays pour la troisième fois63 après une modification de la loi fondamentale, votée à la hâte au parlement, en invoquant la raison suivante : La guerre en Ukraine serait « un danger permanent pour la Hongrie »64. Son gouvernement d'urgence dispose d'un arsenal abondant de mesures réactionnaires : Suspension des lois ou de leur application65, interdiction des grèves, réduction de moitié de la taxe professionnelle des entreprises, self-service dans les caisses de l’État66, sanction des reportages non appréciés par des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison67
Il n’y a pas que les gouvernements connus partout comme réactionnaires, comme celui de Viktor Orbán qui durcissent le ton. En Allemagne aussi, comme dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, il y a un développement forcé vers la droite de la société, s'intensifient la militarisation et la fascisation de l'État.
En Allemagne, certaines parties de la loi martiale entrent déjà en vigueur en cas d'alliance68 et complètement en cas dit de défense, conformément à article 115a de la loi fondamentale. Il suffit qu’une attaque armée soit « imminente » pour que la Bundeswehr soit déployée à l'intérieur et que tout l'arsenal des lois sur l'état d'urgence s’applique. Cela signifie : l’interdiction des rassemblements et des grèves, la restriction massive de la liberté d'expression et des médias, la confiscation de biens, la reconversion ordonnée de la production et le travail forcé et l’arrestation immédiate d'une personne, s’il « existe des indices substantiels ou réels permettant de la soupçonner de commettre, d’encourager ou d’inciter à commettre des actes punissables au titre de la haute trahison, de la mise en danger de l'État, d’actes de trahison, de l’infraction contre la défense nationale »69.
De tout cela ressort la peur non dissimulée des dirigeants face à la résistance qui se développera inévitablement contre la pauvreté, le chômage, les conséquences de la guerre et de la crise. Pour le mouvement ouvrier et populaire international, il est indispensable de lier la lutte contre la guerre et le fascisme à la lutte pour le maintien et l'extension des droits et des libertés démocratiques, comme école de la lutte pour le socialisme.
4. Le passage à la guerre économique mondiale
Les pays de l'OTAN ont frappé la Russie avec l'arme de guerre que sont les sanctions massives. Le premier paquet de sanctions de l'UE du 23 février a été suivi de cinq autres jusqu'au 3 juin 2022. S'y sont ajoutées des sanctions de nombreux pays individuels comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, le Japon, la Suisse, etc.
Premièrement, des mesures telles que le gel des avoirs et les interdictions d’entrée visent dans un premier temps 1 091 personnes et 80 organisations, dont des oligarques ou le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ainsi que le président Vladimir Poutine.
Les entreprises et les banques sont la deuxième cible : entre autres, les actions des entreprises publiques russes ne peuvent plus être négociées dans l'UE. Les banques russes, y compris la banque centrale russe, ne peuvent plus prêter ou emprunter de l'argent dans l'UE. Sept grandes banques russes ont été exclues du système de paiement SWIFT.
Troisièmement, les sanctions visent les importations et les exportations de l'économie russe. Les pays occidentaux, sous la direction de l'OTAN, ont stoppé le gazoduc Nord Stream 2 qui venait d'être achevé. Ils ont également interdit l'importation de charbon russe, l'activité des entreprises de transport russes et biélorusses dans l'UE et l'entrée des navires battant pavillon russe dans les ports de l'UE. Il existe en outre des interdictions d'exportation ciblées vers des domaines de haute technologie de la Russie pour un montant de 10 milliards d'euros, des interdictions d'importation étendues et le découplage de la Russie des marchés publics et des fonds européens. Avec le sixième paquet de sanctions, l'UE a décidé d'imposer un embargo sur le pétrole, qui ne s'appliquera toutefois qu'aux pétroliers et non aux oléoducs.
Dans leur ensemble, les sanctions ont pris le caractère d'une guerre économique mondiale avec les conséquences correspondantes sur l'économie politique du système impérialiste mondial. Contrairement à la promesse insensée selon laquelle les sanctions économiques pourraient arrêter la guerre, elles n'ont aucune influence directe sur le déroulement concret de la guerre.
Pour le président de la CDU, Friedrich Merz, le but de la politique de sanctions contre la Russie est de « briser l'épine dorsale du complexe militaro-industriel de ce pays ».70
Il s'agit donc stratégiquement de ruiner l'économie de la Russie et de stopper la poursuite de son ascension en tant que puissance néo-impérialiste.
Sous la condition d'une production internationalisée et en raison du fait que 154 pays du monde – dont de grands pays comme la Chine, le Brésil, l'Inde, le Mexique, l'Indonésie et même la Turquie, membre de l'OTAN – ne participent pas jusqu'à présent aux sanctions, l'OTAN ne peut guère atteindre ses objectifs. Ainsi, les sanctions financières sont notamment contournées par le CIPS, l'alternative chinoise à SWIFT, ainsi que par le système SPFS créé par la Russie et auquel 400 banques russes sont connectées. Par exemple l'Inde, qui doit importer 80 pour cent de ses besoins en pétrole, a convenu, dans l'environnement immédiat des décisions de sanctions, « d'importer plus de trois millions de barils de pétrole brut provenant de la production russe ».71 De nombreux pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine commercent avec la Russie en tant que prétendue alliée dans la lutte contre l'exploitation néocoloniale de leurs pays par les États-Unis. Certains veulent également développer leurs propres ambitions impérialistes.
De plus, la collaboration avec les fournisseurs de substitution en énergie devenus nécessaires pour l'Europe ne se déroule pas du tout sans problème. Peu après avoir convenu de livraisons alternatives de gaz avec le Qatar, l'émirat réactionnaire a exigé des garanties d'achat pour au moins 20 ans à des prix scandaleux.72 Jusque-là, l'Allemagne voulait pourtant depuis longtemps renoncer presque entièrement aux énergies fossiles.
Contrairement à toutes les déclarations d'intention des gouvernements occidentaux, ce sont les masses russes qui supportent le poids principal de la politique de sanctions impérialiste – et non les bellicistes et les oligarques qui en sont les principaux responsables. Rien qu'à Moscou, 200 000 travailleurs ont perdu leur emploi parce que les entreprises étrangères ont cessé leurs activités et les chaînes d'approvisionnement internationales ont été largement coupées. En mars 2022 déjà, l'inflation en Russie a atteint 17,3 pour cent.73
La Russie, partenaire commercial privilégié de l'Allemagne jusqu'en 2021 et fournisseur de 55 pour cent de la consommation de gaz allemande, livrait encore mi-avril 2022 du gaz naturel d'une capacité quotidienne d'environ 2 400 gigawattheures. En outre, l'Allemagne achetait environ 50 % de son charbon importé et environ 35 % de son pétrole à la Russie.74
Ce sont surtout les groupes allemands de l'énergie, de la chimie et de l'acier, qui ont jusqu'à présent particulièrement profité des relations économiques avec la Russie, qui ne veulent pas pousser les sanctions à l'extrême. Le patron de BASF, Martin Brudermüller, a mis en garde avec insistance le gouvernement allemand contre un arrêt des livraisons de gaz russe : Une telle mesure « pourrait entraîner l'économie allemande dans sa crise la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et détruire notre prospérité » 75.
Contrairement à la propagande bourgeoise sur la grande unité de l'OTAN et de l'UE, le chef de l'association fédérale des monopoles de l'industrie allemande (BDI), Siegfried Russwurm, a rejeté brutalement dès le 7 mars 2022 la demande du gouvernement américain de découpler l'économie allemande de la Chine et de la Russie :
« Nous n'avons pas été et ne serons pas les exécutants du gouvernement américain. … Les crimes (de Poutine) ne sont pas la fin du commerce mondial et de la division mondiale du travail. L'échange, et non la fermeture, reste notre principe. »76
Le chancelier Scholz s'associe à la menace selon laquelle un embargo sur le gaz « plongerait du jour au lendemain ... notre pays et toute l'Europe dans une récession ... ». 77 La peur de protestations politiques de masse et du développement de la lutte de classe prolétarienne contre la répercussion des fardeaux de la crise et de la guerre sur le dos des masses populaires est un moteur de la gestion de crise du gouvernement fédéral.
Mais avec le changement de stratégie de l'OTAN décidé au plus tard fin avril, le gouvernement fédéral a lui aussi laissé tomber les scrupules qui existaient jusque-là. Il a fait peser de plus en plus ouvertement les fardeaux de la guerre et de la crise sur les masses populaires. La spéculation sur les denrées alimentaires, les matières premières de toutes sortes et les produits énergétiques, attisée par la politique de sanctions, fait à elle seule grimper l'inflation de manière vertigineuse. Les soi-disant « paquets d'allègement » décidés par la coalition en feu tricolore pour une partie de la population ne sont qu'un frein à court terme. Cyniquement, le vice-chancelier Robert Habeck justifie l'embargo pétrolier contre la Russie en ces termes :
« Cela ... signifiera une épreuve. ... quand les prix augmentent par la suite. ... c'est le prix qui peut et ... doit être payé » 78.
La propagande en faveur de la collaboration de classe et du renoncement est devenue un élément essentiel de la guerre psychologique. Le portail Internet Telepolis a révélé :
« L'affirmation selon laquelle l'inflation est le produit de la guerre en Ukraine est donc tout simplement une fausse nouvelle. On remarque d'emblée qu'aucune récolte n'a encore été perdue en Ukraine ou en Russie en raison de la guerre … Le gaz et le pétrole circulent également de la Russie vers l'Ouest aux prix convenus. … (La) formation des prix … n'est pas déterminée par les coûts actuels, comme on le présume généralement, mais s'oriente vers les attentes de bénéfices futurs. »79
En toute logique, le magazine WirtschaftsWoche s’enthousiasme le 18 mai 2022 en disant :
« Le marché du pétrole brut ... est également idéal pour investir de l'argent. ... Celui qui a par exemple misé sur le pétrole au cours des douze derniers mois ... a pu presque doubler sa mise par rapport au prix d'un baril de brut. »80 Cela contrecarre bien sûr l'effet des sanctions. Ainsi, malgré les embargos, la Russie compte cette année sur 13,7 milliards d'euros supplémentaires pour l'exportation de combustibles fossiles.81
La crise ouverte de la nouvelle organisation de la production internationale
Plus importantes que les répercussions économiques immédiates des sanctions sont les secousses globales et donc stratégiques dans la structure de la nouvelle organisation de la production internationale. Leur portée est encore difficile à prévoir. Contrairement aux monopoles américains, qui produisent et vendent leurs produits surtout sur l'immense marché intérieur, les monopoles internationaux allemands produisent principalement à l'étranger et y réalisent leurs profits maximums.82 La guerre économique de l'Occident contre la Russie a un effet à double tranchant. Car elle pousse en même temps la Russie à développer encore plus résolument l'extension des « relations amicales » avec les pays hostiles aux sanctions et surtout avec la Chine néo-impérialiste pour former un bloc économique, politique et militaire.
La politique de sanctions de l'OTAN et de l'UE provoque ainsi la fin du marché mondial unique, condition économique principale de la nouvelle organisation de la production internationale. Il apparaît d'ores et déjà que la guerre économique mondiale qui a commencé s'étendra à l'avenir. Ainsi, en mai 2022, lors du Forum économique mondial de Davos, le secrétaire général de l'OTAN, Stoltenberg, a exigé un découplage de l'économie par rapport à la Chine83, sous le mot d'ordre démagogique « La liberté est plus importante que le libre-échange ». La division internationale du travail qui existait depuis lors est remise en question, alors qu'elle reste en même temps une nécessité indispensable pour la production industrielle monopolistique qui génère un profit maximal. D'importants systèmes de production intégrée sont disloqués et des secteurs industriels entiers sont coupés des matières premières et des produits de base et plongés dans des crises durables. La restriction, voire la fermeture totale de marchés de vente jusqu'alors ouverts, rend également difficile l'écoulement de la production de masse accrue des supermonopoles. Les conséquences pour l'économie mondiale ne sont pas encore prévisibles, d'autant plus que cette évolution se heurte à une crise de la logistique, de l'énergie et des matières premières déjà apparue avant la guerre, ainsi qu'à une escalade des guerres commerciales. Dans un mauvais pressentiment, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a prédit un futur « ouragan de crises » dans le monde. 84
Dans l'économie mondiale, une crise ouverte de la nouvelle organisation de la production internationale a commencé, ce qui continue à accélérer énormément la déstabilisation du système impérialiste mondial. Le passage à la guerre économique mondiale exacerbe à l’extrême la contradiction principale entre les forces productives révolutionnaires internationalisées et le pouvoir de l’État national et l'organisation des rapports de production capitalistes. C'est ce qui fait avancer le danger d'une Troisième Guerre mondiale. Dans le livre « Crépuscule des Dieux sur le " nouvel ordre mondial " », il est écrit à ce sujet :
« Le fait que l’impérialisme peut certes introduire la nouvelle organisation de la production, mais, en raison de ses contradictions internes insolubles, ne pourra jamais créer un État mondial, rend évident que l’impérialisme se heurte à une limite relative de son développement historique. Les forces productives modernes réclament des rapports de production qui correspondent à leur caractère international, mais ceux-ci sont seulement réalisables dans des États unis socialistes du monde. »85
5. La guerre en Ukraine accélère l'évolution vers une catastrophe écologique mondiale
Avant même la crise ukrainienne, la transition vers une catastrophe écologique mondiale s'est accélérée. Plus ou moins tous les pays impérialistes ont annoncé des mesures énergiques de protection de l'environnement, surtout en réaction au mouvement écologique de masse mondial, en particulier parmi les jeunes. Mais peu de temps après l'invasion russe de l'Ukraine, ils ont déclaré un changement de paradigme en matière de politique environnementale. Désormais, la protection du climat, qui était jusqu'à présent le principal objectif, doit être subordonnée aux « intérêts de sécurité », c'est-à-dire à la préparation d'une Troisième Guerre mondiale. Le 31 mars 2022, le président américain Biden a annoncé :
« Nous devons opter pour la sécurité à long terme plutôt que pour la vulnérabilité énergétique et climatique. »86
La destruction délibérée de l'unité de l'homme et la nature connaît ainsi une nouvelle qualité. Le slogan démagogique de Biden a reçu le soutien de l'industrie allemande de l'armement. Le directeur général de l'association fédérale de l'industrie allemande de la sécurité et de la défense, le Dr Hans Christoph Atzpodien, a formulé dès la fin 2020 le nouveau principe « d'importance systémique » selon lequel « la sécurité ... est la " mère " de la durabilité et de la prospérité correspondante »87 Il incombait à Olaf Scholz et à son équipe gouvernementale d'ajuster le mouvement écologiste, en Allemagne également, à la nouvelle orientation de la politique étrangère et environnementale. Robert Habeck, philosophe et ministre fédéral de l'Économie et de la protection du climat, a répondu de manière démagogique aux critiques croissantes à ce sujet, y compris au sein des Jeunes Verts, par un néologisme de « patriotisme écologique ».88
Le « patriotisme écologique » de Habeck n'est cependant qu'une nouvelle variante du social-chauvinisme.89 Sauf que cette fois-ci, les travailleurs et les masses populaires doivent à la fois renoncer à leurs légitimes revendications sociales, économiques et politiques et accepter sans broncher les aggravations drastiques de la crise environnementale.
L'impérialisme américain associe à sa volte-face en matière de politique environnementale l'objectif de devenir une superpuissance énergétique. En lien avec l'arrêt des importations de pétrole, de charbon et de gaz russes90 par les États-Unis le 8 mars 2022, Le New York Times commente que « le président Biden a largement cessé de faire la promotion de ses plans ambitieux de lutte contre le changement climatique et s'est plutôt concentré sur le pompage d'autant de pétrole et de gaz que possible ».91
Biden veut également renforcer la dépendance de l'Europe vis-à-vis des États-Unis et regagner le terrain perdu dans l'économie mondiale, mais aussi la confiance affaiblie de la population américaine en son gouvernement. Rien qu'aux États-Unis, l'Agence d'information sur l'énergie prévoit d'augmenter la fracturation hydraulique de 15 pour cent d'ici 203092. Le Forum des pays exportateurs de gaz souhaite même un taux d'augmentation mondial de 66 pour cent.93
En Allemagne, ce sont surtout les Verts qui se révèlent être des alliés dociles. Le ministre fédéral de l'Économie Habeck a fortement promu la construction de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) à Brunsbüttel, Stade et Wilhelmshaven afin de pouvoir importer du gaz de fracturation en provenance des États-Unis, ce que son parti avait toujours vivement combattu. Pour donner une touche écologique à l'affaire, ces terminaux devraient également pouvoir être utilisés ultérieurement pour les importations d'hydrogène.
Le gaz naturel et a fracturation endommagent le climat non seulement à cause du CO2 produit lors de la combustion et des produits chimiques pompés dans le sol, mais aussi en raison du rejet massif de méthane, un gaz à effet de serre, par les puits de forage et les fuites de gazoducs. Le méthane a un potentiel d'effet de serre plus de 20 fois supérieur à celui du CO294 et a déjà causé 16,4 pour cent du réchauffement climatique en 2019.95
Sous le drapeau démagogique de ne plus jamais fournir d'argent pour les violations des droits de l'homme d'un Vladimir Poutine, le gouvernement fédéral a restructuré non seulement l'approvisionnement en gaz, mais aussi en pétrole ; il a conclu des contrats de livraison avec le gouvernement du Qatar. C'est une moquerie lorsque le ministre des Finances Christian Lindner déclare : « Nous voulons avoir des partenaires commerciaux qui soient aussi des partenaires de valeurs. »96
Les cheikhs ultra-réactionnaires du Qatar et leur régime féodal fasciste sont exactement la bonne adresse ! Qu'importent à Lindner et Habeck les violations systématiques des droits de l'homme, le soutien évident aux organisations terroristes fascistes de Daech et la proximité idéologique et politique du Qatar avec le régime fasciste des talibans en Afghanistan ? On peut devenir un « partenaire de valeurs » pour les démocrates bourgeois allemands rien qu'en étant du « bon » côté dans la guerre économique mondiale contre la Russie, c'est-à-dire contre le principal concurrent impérialiste actuel.
En revanche, le développement des énergies renouvelables prôné par Robert Habeck et l'UE est resté extrêmement fragmentaire ou a été strictement orienté vers les monopoles. Ainsi, l'article 8 de la taxonomie de l'UE stipule que les projets d'éoliennes des entreprises sont subventionnés comme « verts » si elles comptent plus de 500 employés et sont orientées vers le marché des capitaux.97
Dès le début de l'année 2022, le ministre fédéral Habeck a déjà plaidé pour que le gaz naturel soit considéré comme une « technologie de transition » qui mérite particulièrement d'être encouragée98, en tant que passerelle vers les énergies renouvelables. La Commission européenne l’a rapidement approuvé, y compris la promotion de l'énergie nucléaire.99 La demande de la Fédération de l'industrie allemande (BDI), formulée ouvertement après le début de la guerre, révèle l'intérêt de ce désastre environnemental, à savoir que :
« Sans réserves idéologiques, une prolongation des trois centrales nucléaires encore en service et des trois derniers sites arrêtés devrait être envisagée. »100
« Sans réserves idéologiques » signifie en clair soutenir sans réserve les plans impérialistes de maintien et de développement de l'énergie nucléaire et mettre délibérément et considérablement en danger la santé de la population.
Les centrales nucléaires présentent des dangers imprévisibles. Toutes les installations nucléaires dépendent d'une alimentation électrique sûre pour refroidir leurs éléments combustibles. Si celle-ci est interrompue, par exemple en raison d'une guerre ou d'une catastrophe naturelle, le cœur du réacteur risque de fondre de manière incontrôlable.101 Les exemples historiques de Tchernobyl et de Fukushima en sont la preuve.
L'utilisation militaire de l'énergie nucléaire est étroitement liée à la promotion des centrales nucléaires. Le président français Emmanuel Macron s'est exprimé sans détour :
« Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil. »102
La renaissance souhaitée de l'énergie nucléaire vise également sans équivoque à doter l'Europe d'armes nucléaires. Il en va de même pour le renforcement de la « participation nucléaire » de l'Allemagne dans le cadre de l'OTAN, qui se traduit par l'acquisition d'avions de combat américains F-35 aptes à porter des armes nucléaires.
Le risque croissant de guerre nucléaire
En 2021, neuf puissances nucléaires impérialistes possédaient ensemble environ 13 080 armes nucléaires. Leur potentiel de destruction suffirait, d'un point de vue purement mathématique, à détruire plusieurs fois la biosphère actuelle de la Terre. Les stratèges militaires impérialistes de l'OTAN et de la Russie développent à nouveau la conception criminelle d'une guerre nucléaire limitée ‒ comme dans les années 1980.
Le président russe Poutine menace ouvertement de recourir à l'arme nucléaire103 et le président Biden réaffirme la prétention des États-Unis à une première frappe d'armes nucléaires.104 Le missile hypersonique « Dark Eagle », doté d'un équipement nucléaire, peut atteindre et détruire Moscou depuis l'Allemagne en 21 minutes et 30 secondes.105 Depuis mars 2022, les soldats américains s'entraînent avec ce système.106 Jusqu'à présent, le refus d'une guerre nucléaire faisait naturellement consensus au sein des mouvements pour la défense de l’environnement et de la paix. Or, c'est justement un article de Greenpeace qui, le 31 mars 2022, a décerné à la « possibilité d'une guerre nucléaire limitée »107 un label environnemental lénifiant :
« En cas d'utilisation d'une arme nucléaire tactique ... la chaleur, l'onde de choc et les radiations seraient vraisemblablement limitées à quelques kilomètres. »108
En réalité, chaque arme nucléaire ‒ même tactique ‒ entraîne des destructions énormes, des dégâts considérables et des morts en masse sur des centaines de kilomètres carrés. L'experte en nucléaire Nina Tannenwald précise au sujet des jeux de pensées nucléaires absurdes :
« Même une arme nucléaire de " petite force explosive " (0,3 kilotonne) causerait des dommages bien supérieurs à ceux d'un explosif conventionnel. ... Les retombées radioactives contamineraient l'air, le sol, l'eau et l'approvisionnement alimentaire. »109
Les armes nucléaires, appelées de manière lénifiante comme des « mini-nukes », ne rendent pas une attaque nucléaire moins dangereuse, mais en font même une option encore plus réelle ‒ avec pour conséquence une escalade incontrôlable.
Il s'agit d'une illusion répandue, mais extrêmement dangereuse, selon laquelle la raison des impérialistes ne permettrait pas une guerre nucléaire. Tous les écologistes et les combattants pour la paix sont appelés à lier leur lutte pour sauver l'environnement à la lutte contre la guerre impérialiste et à imposer la revendication de l'interdiction et de la destruction de toutes les armes ABC dans le monde entier.
Une dangereuse lutte concurrentielle pour la base énergétique et de matières premières
Le mouvement écologiste mondial a réussi à arracher aux monopoles et aux gouvernements quelques promesses et concessions en matière de développement des énergies renouvelables. L'énergie disponible aujourd'hui en abondance et pouvant être produite industriellement à moindre coût sur la base des énergies éolienne, solaire et d'autres alternatives ainsi que sur le stockage de l'énergie, fait partie de la préparation matérielle globale du socialisme dans l'unité de l'homme et de la nature. Sous la domination des monopoles, ce potentiel de progrès scientifique et technique n'est cependant pas mis en valeur, au contraire : il se transforme en une affaire générant un profit maximal, orienté vers la recherche du leadership sur le marché mondial.
Actuellement, 98 pour cent de toutes les cellules solaires sont fabriquées dans les pays néo-impérialistes d'Asie, dont 77,7 pour cent par les monopoles chinois110 , tandis que la part des monopoles américains et européens s'est réduite comme peau de chagrin.111 En ce qui concerne la production d'éoliennes, les monopoles de l'UE Vestas, Siemens-Gamesa, Nordex et Enercon représentent 29,7 pour cent du marché mondial, mais restent derrière la Chine, qui en produit 54,6 pour cent. Là encore, les États-Unis sont loin derrière avec seulement 11,7 pour cent.112 Avec la crise ukrainienne, la lutte concurrentielle inter-impérialiste pour la base énergétique et les matières premières culmine.
La crise ouverte de l'écologisme impérialiste
Les variantes précédentes de l'écologisme impérialiste se sont retrouvées dans une crise ouverte. Leur credo était la prétendue « compatibilité entre l'écologie et l'économie capitaliste ». L'idolâtrie propagandiste de l'objectif, depuis longtemps raté, d'un réchauffement de la planète de 1,5 degré maximum dans l'accord de Paris sur le climat de 2015 a aussi ouvertement échouée.
Même le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU, par ailleurs plutôt minimisant les risques, met en garde depuis 2021 contre une période caniculaire de la Terre qui menacerait les êtres humains de vagues de chaleur mortelles.113 En février 2022, il a prédit le risque de « réactions en chaîne » incontrôlées qui mettraient en danger de manière aiguë 3,6 milliards de personnes. Mais cela laisse les monopoles internationaux de l'énergie et des matières premières totalement indifférents. Pour eux, il est hors de question même d’envisager la poursuite de l'exploration et de l'exploitation croissante des sources d'énergie fossiles. En 2017, 100 supermonopoles ont généré à eux seuls 71 pour cent de toutes les émissions de CO2 dans le monde.114 Entre 2008 et 2020, l'extraction mondiale de charbon a augmenté de 16,6 pour cent115, la production de pétrole de 4,1 pour cent116 et celle de gaz naturel de 27 pour cent.117
Les crises alimentaires et famines délibérément provoquées
La Russie et l'Ukraine produisent ensemble 64 pour cent de l'huile de tournesol, 23 pour cent du blé et 18 pour cent du maïs, soit une part importante des exportations alimentaires du monde.118 La guerre d'agression russe contre l'Ukraine détruit et pille la production et la distribution de ces denrées alimentaires de première nécessité dans le monde entier. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), près de 25 millions de tonnes de céréales étaient bloquées en Ukraine rien qu'à la fin avril 2022, bloquées par l'armée russe et par des ports minés.119 À cela s'ajoute la politique impérialiste de sanctions qui limite massivement l'exportation de ces denrées alimentaires indispensables à l'existence vers nombreux pays d'Asie et d'Afrique.
La crise alimentaire qui sévit actuellement s'aggrave ainsi brusquement pour devenir une crise alimentaire transnationale aux conséquences économiques, politiques et sociales considérables. Aujourd'hui, 811 millions de personnes souffrent déjà de la faim dans le monde et deux milliards de personnes souffrent de malnutrition.120 Depuis février 2022, les prix des denrées alimentaires explosent dans le monde entier.121 Afin de tirer profit de la pénurie des denrées alimentaires de base, les monopoles agricoles de l'UE poussent à l'extension de leur production de céréales et augmentent de manière démesurée les prix des denrées alimentaires.
En revanche, les contraintes « gênantes » pour la protection de l'environnement dans l'agriculture doivent disparaître. Les objectifs de préservation de la biodiversité proclamés dans l'accord de coalition de l'actuel gouvernement fédéral disparaissent dans les tiroirs : ainsi les projets d'exploiter 25 pour cent des surfaces agricoles de manière écologique d'ici 2030, de laisser 4 pour cent des surfaces utiles en jachère à partir de 2023 et de réduire de moitié l'utilisation de pesticides.122 C'est dévastateur au vu de l'extinction dramatique des espèces, avec plus d'un million d'espèces menacées d'extinction dans le monde.
L'exploitation abusive des ressources naturelles
L'augmentation des armements au niveau mondial, avec plus de deux mille milliards de dollars US de dépenses militaires en 2021123, et plus encore la guerre, sont des facteurs déterminants de la crise environnementale. Non seulement des dizaines de milliers de vies humaines et les conditions de vie de millions de personnes sont détruites, mais la biosphère est également détruite de manière accélérée, les matières premières sont gaspillées et le réchauffement climatique est renforcé. Les forces armées américaines émettent à elles seules plus de CO2 que la Suède, pays industrialisé de rang moyen.124 À cela s'ajoutent le gaspillage des ressources ainsi que la pollution et la désertification des terres et des eaux par les bases militaires et les transports militaires.
Avec la guerre, une catastrophe environnementale régionale se développe en Ukraine. La région du Donbass est l'une des zones les plus polluées au monde, avec 900 grandes installations industrielles, dont 248 mines, 177 usines chimiques dangereuses et 113 installations utilisant des substances radioactives.125 Déjà en 2021, la nappe phréatique a été largement contaminée, notamment par l’inondation des mines, de sorte que près de 3,4 millions de personnes n'ont pas accès à l'eau potable.126 Le bombardement d'aciéries comme celle à Marioupol a libéré d'énormes quantités d'ultra-toxines et de métaux lourds. Des régions entières peuvent ainsi devenir inhabitables à long terme.
La crise écologique mondiale révèle toute la pourriture et l'obsolescence du système impérialiste mondial. La reconnaissance et l'assimilation consciente de cette évolution sont décisives pour que les masses s'engagent dans une lutte écologique qui transformera la société, sous la direction de la classe ouvrière, dans la perspective du véritable socialisme.
6. Le passage de l'opportunisme au social-chauvinisme
Depuis le début de l'année 2022, la manipulation de l'opinion publique par la guerre psychologique a commencé dans le monde entier afin de gagner les masses à une guerre impérialiste.
Avec le début de la guerre en Ukraine, le social-chauvinisme transnational a pris une nouvelle dimension en tant qu'influence exercée 24 heures sur 24. Chaque pays impérialiste, par le biais de ses médias de masse monopolisés, a poussé à une véritable guerre de désinformation allant jusqu'à l'incitation ouverte à la guerre. Le livre « La crise de l'idéologie bourgeoise et de l'opportunisme » le démontre :
« En cas de crise, lorsque ses coûts et ses fardeaux se répercutent sur les masses, lorsque la bourgeoisie combat les développements révolutionnaires ou se trouve sur la voie de la guerre – bref : lorsque les contradictions s'aggravent, l'opportunisme se transforme inéluctablement en social-chauvinisme. Comme ligne directrice il propage la subordination complète de la classe ouvrière aux intérêts de classe nationaux de la bourgeoisie. » 127
Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité le 19 février 2021 – déjà un an avant la guerre en Ukraine – le président des États-Unis, Joe Biden, a engagé les États-Unis et les autres pays impérialistes de l'OTAN à « défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine ».128 Biden n'a certes pas abandonné la politique de « l'Amérique d'abord » de Donald Trump, comme l'embellissent la plupart des analystes bourgeois, mais il l'a systématisée pour en faire une stratégie et une tactique de la prétention au pouvoir hégémonique des États-Unis. Pour dissimuler ce noyau, il vend ce projet avec une hypocrisie chauvine et sociale-chauvine comme un engagement en faveur des démocraties occidentales.
Cela a conduit à une nouvelle étape dans la diffusion du mode de pensée petit-bourgeois et social-chauvin : Que la classe ouvrière internationale s'identifie de manière patriotique à l'exploitation et au bellicisme impérialistes dans son propre pays. Au lieu de poursuivre ses intérêts de classe prolétariens, de participer à la résistance active contre la préparation de la Troisième Guerre mondiale et de se tourner vers la préparation de la révolution socialiste internationale, elle devrait s'accommoder du « moindre mal » : la « démocratie » de l'impérialisme américain ou ouest-européen, soi-disant tellement meilleure que celle de la Russie ou de la Chine.
Le président russe Vladimir Poutine a également attisé le mode de pensée petit-bourgeois et social-chauvin des masses en Russie bien avant l'invasion de l'Ukraine. Dans un article intitulé « Sur l'unité historique des Russes et des Ukrainiens », il diffusait avec une démagogie völkisch129 :
« Les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses sont tous des descendants de l'ancienne Rus', qui était le plus grand État d'Europe. » 130
Avec un tel chauvinisme grand-russe, Poutine a préparé au niveau idéologique non seulement l'invasion en Ukraine, mais aussi d'autres campagnes de conquêtes. Dans son délire völkisch-nationaliste, il n'a pas tenu compte du fait historique que l’ancienne Rus' de Kiev était un regroupement de tribus, principalement ukrainiennes, en un État féodal. Plus tard, les tsars russes ont pressé les peuples et les territoires non russes dans leur empire et ont fait de la Russie une prison de peuples.
À tous ceux qui défendent l'un des deux partis impérialistes belligérants, il convient d'écrire dans le livre de chevet ce que Lénine a remarqué sans équivoque au sujet des explications trompeuses sur la genèse des guerres impérialistes :
« Quant à savoir quel groupe a déclenché le premier les hostilités ou déclaré la guerre le premier, cela n'a aucune importance lorsqu'il s'agit de déterminer la tactique des socialistes. Les phrases sur la défense de la patrie, la résistance à l'invasion ennemie, la guerre défensive, etc., ne servent, de part et d'autre, qu'à duper le peuple. » 131
La machine propagandiste de l'impérialisme américain agit sur plus d'un milliard de personnes dans 212 pays, principalement par le biais de la chaîne d'information CNN International. 132 Les néo-impérialistes russes glorifient leur guerre d'agression dans plus de 100 pays par le biais de Russia Today (RT), de Sputnik et de messages ciblés – appelés « l'armée des trolls » ‒ diffusés sur les « réseaux sociaux ».133 RT compte près de 30 millions de followers rien qu'en Amérique latine. Les « points de vue allemands » 134 sont diffusés surtout par Deutsche Welle en 32 langues parmi 289 millions d'« utilisateurs-contacts » sur quatre continents.
Des journalistes du monde entier rapportent « en direct », du matin au soir, les événements du cœur de la guerre : Des images d'horreur de maisons bombardées, d'enfants ukrainiens bouleversés et des photos d'atrocités commises par l'armée russe, des interviews de personnes concernées – tout cela donne l'impression d'être informé objectivement et d'être au plus près des événements. On n'y apprend jamais rien sur les interventions militaires ukrainiennes, si ce n'est que les soldats résistent « héroïquement ».
Dans ce contexte, les médias misent en priorité sur la mobilisation des sentiments. Les livraisons d'armes sont devenues subitement une question purement morale et l'expression sans alternative de la compassion, de l'empathie et de la solidarité.
La nouveauté en Allemagne a été la militarisation générale des informations et des talk-shows. Comme si de rien n'était, des militaires de haut rang donnaient des interviews quotidiennes et impliquaient les masses populaires dans les réflexions stratégiques sur le cours de guerre de l'impérialisme allemand. Pendant des semaines, la censure bourgeoise des médias a banni les représentants de tout point de vue critique, progressiste ou pacifiste. S'ils ont été autorisés de manière sporadique, ils ont généralement été critiqués violemment comme « amis de Poutine ». Les « questions critiques » des présentateurs de talk-shows venaient le plus souvent de la droite. Elles véhiculaient plutôt sans critique le discours incendiaire de Volodymyr Zelensky et de son ambassadeur en Allemagne, Andriy Melnyk, en faveur de livraisons massives d'armes.
Avec le passage au cours social-chauvin, des processus de crise se sont déployés dans tous les partis réformistes : Les Verts promettaient encore dans leur programme pour les élections au Bundestag de 2021 de « mettre fin aux exportations européennes d'armes ... vers les régions en guerre. » 135
Mais la nouvelle responsabilité gouvernementale exigeait de « façonner » le changement de stratégie de la politique étrangère allemande. Anton Hofreiter, connu auparavant comme représentant de l'aile « gauche » des Verts, s'est révélé être l'un des plus virulents fauteurs de trouble. Il a exigé de l'impérialisme allemand qu'il pratique la « realpolitik dans son expression la plus brutale » en réponse à la « brutalité impitoyable » du nouvel impérialisme russe.136 Son pragmatisme réactionnaire a transformé en peu de temps l'ancien militant antinucléaire137 Hofreiter en un belliciste effréné.
Honnêtement inquiets et à juste titre, mais sans succès, 89 membres des Verts ont mis en garde la direction du parti : « Que faites-vous en cas de nouvelle escalade ... ? L'OTAN utilisera-t-elle alors des armes nucléaires contre la Russie ? »138
Le parti réformiste de gauche Die Linke a basculé dans une crise existentielle après que sa minimisation de la Russie néo-impérialiste, qui durait depuis des années, ait ouvertement échoué. Les contradictions au sein du parti faisaient rage à propos du programme de réarmement du gouvernement fédéral, que certains représentants de premier plan soutenaient avec zèle – contrairement à la position de vote du groupe parlementaire au Bundestag.
Ainsi, Bodo Ramelow du parti Die Linke [Parti de gauche], ministre-président de Thuringe, a déclaré lors d'une manifestation pour la paix le 2 mars 2022 à Gera : « Nous sommes en guerre... Il s'agit maintenant d'agir militairement. » 139 Il a critiqué avec véhémence les opposants à la guerre, toujours nombreux au sein de son parti : « Le simple bashing de l'OTAN ne résout aucun problème. » 140
Un ministre-président « de gauche » démontre ainsi sa fidélité inconditionnelle et fatale à l'impérialisme allemand. Sans retenue, il a déposé le 14 janvier 2019, avec une large couverture médiatique, une composition florale sur la tombe de Karl Liebknecht, cofondateur du KPD.141 C'est à Liebknecht que la phrase aujourd'hui très actuelle est liée de manière indissociable : « Pas un homme, pas un sou pour ce système ! »
La propagation du chauvinisme va si loin que même dans des médias souvent considérés comme libéraux de gauche, le fascisme est considérablement minimisé. Ainsi, le 20 mai 2022, l'ambassadeur ukrainien Andriy Melnyk a obtenu une interview d'une page entière avec le RedaktionsNetzwerk Deutschland (RND), dans laquelle il a pu présenter le régiment fasciste Azov comme totalement inoffensif et comme de « courageux combattants » 142. Il faut bien souligner qu’il s'y agit d'un régiment qui utilise des symboles fascistes SS, qui participe depuis 2014 à des crimes de guerre contre des personnes dans le Donbass et dont le premier commandant, Andriy Biletsky, se déclarait il y a quelques années encore de manière ouvertement fasciste et antisémite pour la « croisade » des « races blanches du monde ... contre les sous-hommes guidés par les sémites » 143. Le principal financier du régiment Azov est le deuxième plus grand capitaliste monopoliste ukrainien et oligarque Ihor Kolomoïsky, qui a également soutenu de manière décisive l'élection de Zelensky144 et l'a fait grandir sur sa chaîne de télévision privée 1+1.
L'adhésion de la Finlande à l'OTAN est justifiée comme un moulin à prières dans les talk-shows : L'histoire de la guerre que la Finlande a déjà menée héroïquement contre l'Union soviétique en 1939/40 plaide aussi en ce sens. À l'époque, le gouvernement réactionnaire finlandais – toutefois sur ordre de gouvernements profascistes et impérialistes – avait refusé d'accepter des négociations sérieuses avec l'Union soviétique socialiste sur des corrections de frontières absolument nécessaires pour l'Union soviétique et avantageuses pour la Finlande. Il s'agissait avant tout de protéger Leningrad de l'invasion imminente des fascistes hitlériens. La Finlande avait au contraire assailli les troupes frontalières russes. Après la victoire sur l'armée finlandaise dirigée par l'archi-réactionnaire général Mannerheim, l'Union soviétique a renoncé à occuper le pays. Le gouvernement finlandais l'a « remercié » seulement un an plus tard en participant à la guerre fasciste d'Hitler contre l'Union soviétique.
Seul le point de vue de classe prolétarien sert de boussole pour déchiffrer les arguments chauvins, sociaux-chauvins et anticommunistes diffusés avec beaucoup de pathos et pour en tirer les conclusions correctes. Plus la durée de la guerre s'allonge, plus le sentiment contre la guerre et son extension augmente. À la mi-mars 2022, 67 % de la population allemande approuvait encore les livraisons d'armes à l'Ukraine.145 Le 3 mai, ils n'étaient déjà plus que 46 % à se prononcer en faveur de la livraison d'armes offensives.146 De plus en plus de voix critiques à l'égard de l'OTAN et contre la politique de guerre du gouvernement fédéral se font entendre.
Les forces dirigeantes ne parviennent pas à gagner durablement les masses à la guerre impérialiste ! Pas même avec leur affirmation selon laquelle refuser de livrer des armes serait une « non-assistance à personnes en danger » et abandonnerait le peuple ukrainien à la fureur débridée de l'agresseur russe ! Aussi compliquée que soit la situation, les guerres menées par les nations impérialistes et leurs alliances n'ont jamais eu pour objectif l'aide et la solidarité envers les peuples ! Il n'y a qu'une seule alternative à cela : la lutte révolutionnaire des exploités et des opprimés de ces pays, tant de l'Ukraine que de la Russie, contre leurs gouvernements qui mènent cette guerre dans le but d'anéantir leurs ennemis respectifs. Au milieu de la Première Guerre mondiale, Lénine a encouragé la classe ouvrière internationale à suivre la conclusion pour la lutte idéologique contre les opportunistes et les sociaux-chauvins :
« La bourgeoisie et ses partisans au sein du mouvement ouvrier … posent habituellement la question de la façon suivante : ou bien nous reconnaissons en principe le devoir de défendre la patrie, ou bien nous laissons notre pays sans défense. Cette façon de poser le problème est radicalement fausse. En réalité, la question se pose ainsi : ou bien nous nous laisserons massacrer dans l'intérêt de la bourgeoisie impérialiste, ou bien nous préparerons méthodiquement la majorité des exploités et nous-mêmes à … mettre définitivement un terme … à la guerre. » 147
7. Une nouvelle phase de déstabilisation accélérée du système impérialiste mondial
Pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une confrontation militaire directe entre des puissances et des blocs de pouvoir impérialistes a éclaté en 2022. Elle a mis fin à la paix impérialiste qui durait depuis plus de sept décennies. Jusqu'à présent, il y a certes eu des invasions de troupes de pays impérialistes ou des guerres par procuration, mais elles n'ont joué qu'un rôle limité et secondaire sur le plan de la politique mondiale, malgré toute la brutalité, la destruction de vies humaines, de sites de production et d'espaces vitaux.
Avec la guerre en Ukraine et le risque aigu d'une Troisième Guerre mondiale, une nouvelle phase de déstabilisation accélérée du système impérialiste mondial a vu le jour dans le cadre de la Crise générale du capitalisme. Elle prépare le terrain pour une crise révolutionnaire mondiale. La tendance générale de l'impérialisme à produire des crises connaît ainsi une nouvelle qualité. Toutes les contradictions principales du système impérialiste mondial s'aggravent par bonds.
La crise mondiale ouverte
Avec le conflit ukrainien, une crise mondiale ouverte politique, économique, écologique et militaire a éclaté. Cette nouvelle situation de départ modifie d’un coup la nature des tâches de la lutte de classe révolutionnaire.
1. Sur le plan politique, la crise mondiale ouverte s'exprime par une perturbation universelle et incontrôlée de la structure jusque-là multipolaire. Cela remet en question de manière élémentaire l'ordre mondial impérialiste existant et ses institutions. D’un coup, les paragraphes laborieusement formulés du droit international, des droits de l'homme et des traités de désarmement en vigueur au niveau international ne valaient plus le papier sur lequel ils étaient écrits. Les organisations internationales telles que l'ONU, l'OTAN ou aussi l'UE se sont retrouvées dans des crises plus ou moins ouvertes en raison de l'antagonisme148 naissant des intérêts nationaux des différents pays. Ainsi, le 24 mars 2022, 53 des 193 États membres de l'ONU ont refusé d'approuver une résolution de l'Assemblée générale sur la cessation immédiate des hostilités de la Russie contre l'Ukraine. 149 Ce sont justement les États-Unis, qui sont aujourd'hui encore le belligérant numéro 1 dans le monde, qui évoquent la création d'une « alliance des démocraties » dominée par les États-Unis comme alternative à l'ONU paralysée.150
2. Sur le plan économique, une crise ouverte de la nouvelle organisation de la production internationale est apparue sur la base de la crise économique et financière mondiale qui a éclaté en 2018 et qui ne cesse de s'approfondir.
3. Le commerce mondial ouvert est remis en question. Une guerre commerciale a éclaté. Avec les sanctions contre la Russie, elle s'est intensifiée pour devenir une guerre économique mondiale, dans laquelle sont impliqués directement ou indirectement plus ou moins tous les pays impérialistes.
4. Sur le plan écologique, le saut qualitatif réside dans le fait que la soi-disant « politique de sécurité » est explicitement placée au-dessus de la politique environnementale pratiquée jusqu'à présent. Avec la guerre impérialiste, cette orientation aggrave dramatiquement tous les aspects de la transition vers la catastrophe écologique mondiale.
5. La crise militaire mondiale met en échec la diplomatie internationale et ses prémisses actuelles de pacifisme et de paix impérialiste. Elle est remplacée par la préparation active plus ou moins ouverte d'une Troisième Guerre mondiale par presque tous les impérialistes.
6. Cela est lié à une évolution massive vers la droite, qui va de la fascisation des appareils d'État jusqu’à la transition vers le fascisme dans un certain nombre de pays.
7. Pour la première fois depuis des décennies, tant la Russie que les États-Unis/l'OTAN préparent activement une guerre nucléaire. Ils la mettent délibérément sur le tapis et en acceptent froidement le risque.
8. Le passage à la préparation active d'une guerre mondiale exacerbe également en Allemagne les contradictions sociales, tant au sein du capital financier allemand qu’au sein du gouvernement et des partis bourgeois. De même, la crise de confiance des masses populaires dans le gouvernement et les partis bourgeois s'accroît.
9. La crise de la conception bourgeoise du monde s'approfondit, surtout en tant que crise ouverte des fictions fondamentales. Celles-ci étaient jusqu'à présent considérées comme indiscutables, comme par exemple celles de la « politique étrangère visant la paix », du « sur le commerce pour le changement » ou les nombreuses variantes de l'écologisme impérialiste. Les nouvelles fictions du gouvernement fédéral, comme la promesse d'une « transformation socio-écologique », s'usent déjà peu de temps après leur invention.
10. Les crises précédentes s'aggravent mutuellement : la crise économique et financière mondiale, différentes crises structurelles dans le processus de reproduction, la crise de l'endettement, le basculement accéléré vers une catastrophe écologique mondiale, la crise de la politique bourgeoise des réfugiés et la crise de l'ordre familial bourgeois, les crises de la faim dans un nombre croissant de pays, l'augmentation drastique de l'inflation ou les crises sociales à l'échelle mondiale. Elles se condensent en une tendance internationale de crises de la société dans son ensemble dans la plupart des pays du monde.
11. À l'échelle internationale, la contradiction fondamentale de notre époque entre le capitalisme et le socialisme pousse vers la solution de manière aiguë. C'est la base objective du passage à la lutte de classe au sens propre du mot.
Lénine a écrit sur les caractéristiques générales d'une situation révolutionnaire :
« Nous sommes certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que voici : 1) Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du " sommet ", crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l'indignation des classes opprimées se fraient un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que " la base ne veuille plus " vivre comme auparavant, mais il importe encore que " le sommet ne le puisse plus ". 2) Aggravation, plus qu'à l'ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées. 3) Accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l'activité des masses, qui se laissent tranquillement piller dans les périodes " pacifiques ", mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le " sommet " lui-même, vers une action historique indépendante. » 151
Le passage de l'étape de situation non-révolutionnaire à l'étape de situation révolutionnaire aiguë est initié en premier lieu par les facteurs objectifs. La concordance entre le facteur subjectif et les facteurs objectifs ne se fait pas d'un seul coup, mais elle se développe, en raison des mesures amortissant les effets de la crise et de la manipulation de l'opinion publique, comme un processus de fermentation d'abord politique, puis révolutionnaire, qui dure plus ou moins longtemps. Le développement d'une crise révolutionnaire mondiale dépend en grande partie de l'évolution de la conscience de classe du prolétariat industriel international. Celui-ci doit acquérir la capacité de coordonner et de révolutionner ses luttes au niveau international et se placer à la tête de la résistance active des masses populaires. Le facteur décisif pour la détermination, la profondeur et la stabilité de ce processus est l'émergence et le renforcement de partis marxistes-léninistes ayant une influence sur l'ensemble de la société.
La vigilance révolutionnaire doit cependant aussi tenir compte de la possibilité qu'une base réactionnaire, voire fasciste, se développe parmi des parties des masses peu conscientes. C'est là que l'on voit la contradiction aiguë dans le domaine idéologique entre l'anticommunisme réactionnaire et le socialisme scientifique orienté vers l'avenir.
Personne ne peut prévoir le déroulement concret de la guerre impérialiste en Ukraine. Mais l'intensification consciente de la guerre par les belligérants et aussi sa propre dynamique font que l'échange de coups militaires débouche sur le passage à une Troisième Guerre mondiale. À la base de cette situation se trouve une loi que Clausewitz avait déjà mise en évidence :
« La guerre est un acte de violence et il n'y a pas de limite à la manifestation de cette violence. Chacun des adversaires fait la loi de l'autre, d'où résulte une action réciproque qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes. »152
Dans cette phase de déstabilisation accélérée du système impérialiste mondial, il n'y a en principe que deux options : Le déclenchement d'une Troisième Guerre mondiale ou la révolution socialiste internationale.
Cette estimation suit les lois de développement de la société et critique la minimisation pénétrante de l'acuité de cette évolution dans la fabrication de l'opinion. Il est également possible que cette phase soit stoppée par la résistance des masses populaires, en raison de contradictions entre les impérialistes ou à cause de la capitulation de l'un ou l'autre des belligérants. Même dans ce cas, il ne serait plus possible de revenir facilement à la période précédant la guerre d'Ukraine. Mais tant que cette phase dure, la stratégie et la tactique générales de la révolution socialiste internationale doivent s'orienter contre le danger aigu d'une Troisième Guerre mondiale. Elle se donne pour objectif d'accélérer, à l'échelle mondiale, le passage de l'étape de situation non-révolutionnaire à l'étape de situation révolutionnaire. La préparation active de la guerre mondiale par les gouvernements impérialistes, la destruction accélérée de l'environnement et la répercussion des fardeaux de la crise et de la guerre sur les masses populaires placeront de plus en plus ces dernières en contradiction ouverte avec le système impérialiste mondial et susciteront leurs luttes.
Les marxistes-léninistes du monde entier doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour utiliser la crise ouverte du système impérialiste mondial afin de révolutionner le prolétariat industriel international et les masses populaires.
8. Résistance active contre la Troisième Guerre mondiale
Aujourd'hui, la conscience, l'organisation et les expériences de lutte de la classe ouvrière et des masses populaires ne suivent sans doute pas encore le rythme accéléré de la déstabilisation du système impérialiste mondial. Les pays impérialistes disposent encore de ressources matérielles considérables pour gérer la crise, pour désorienter, désorganiser et démoraliser par le système internationalisé du mode de pensée petit-bourgeois comme principale méthode de gouvernement dans la plupart des pays. Mais ils exploitent également les faiblesses des partis révolutionnaires et de leur coopération internationale.
La prise de conscience sur la nécessité et le développement de la résistance active contre la guerre impérialiste et comment l'organiser ouvrent la voie à mettre en concordance les facteurs objectifs et subjectifs pour préparer et réaliser la révolution socialiste internationale.
La résistance active fait partie de la construction d'un nouveau mouvement pour la paix. Son noyau doit être le Front uni contre l'impérialisme, le fascisme et la guerre sous la direction du prolétariat industriel international.
Le nouveau mouvement pour la paix a fait son apparition de manière impressionnante en Allemagne le 8 mai 2022 avec une manifestation d'Essen à Gelsenkirchen et un rassemblement de plus de 1 500 participant.e.s. Vingt-quatre organisations, avec comme noyau l'Alliance internationaliste, et de nombreuses personnes avaient appelé à la manifestation et aux rassemblements. La construction du nouveau mouvement pour la paix inclut la collaboration avec toutes les forces honnêtes de l’ancien mouvement pour la paix existant jusqu'à présent.
Les expériences de lutte du prolétariat industriel international dans le monde entier
En Europe, ce sont surtout les ouvriers grecs et italiens qui ont courageusement pris la tête de la lutte contre la guerre impérialiste. Dès le 14 mars 2022, les ouvriers italiens de l'aéroport Galileo Galilei de Pise et leur syndicat Unione Sindacale di Base (USB) ont refusé avec succès de charger un fret aérien militaire déguisé en « aide humanitaire » pour l'Ukraine.
Le 6 avril 2022, une grève générale a suivi dans 70 villes de Grèce contre le gouvernement réactionnaire et la conduite de la guerre par l'OTAN. Le port du Pirée était à l'arrêt. Des manifestations de masse et des grèves ont eu lieu, entre autres, dans les grandes entreprises importantes, les ports, les transports publics et les chaînes commerciales du pays. Les dockers d'Alexandropolis ont refusé de charger des armes lourdes destinées à la guerre en Ukraine depuis des navires sur des wagons de train.
Le 20 mai 2022, les syndicats de base italiens ont organisé une grève générale à Bologne sous le slogan : « Sortir de la guerre, augmenter les salaires et les dépenses sociales ! ». Simultanément, des manifestations ont eu lieu dans plus de 20 villes devant des bases de l'OTAN.153
Mais trop souvent, ces luttes se déroulent encore de manière isolée les unes des autres et n'ont pas de programme de lutte unifié. La résistance active nécessaire exige une coopération et une coordination anti-impérialistes et antifascistes au-delà des frontières nationales.
Le dépassement nécessaire des illusions pacifistes
La volonté générale de paix et la conscience antifasciste sont profondément enracinées dans les masses populaires en Allemagne. Immédiatement après le début de la guerre en Ukraine, environ 835 000 personnes ont manifesté en Allemagne pour la paix. Il est toutefois nécessaire de développer la volonté de s'opposer activement à cette guerre impérialiste et à tous les belligérants. Pour cela, les personnes éprises de paix doivent venir à bout de la sous-estimation répandue du danger aigu d'une Troisième Guerre mondiale et de toutes sortes d'illusions pacifistes.
Les forces révisionnistes regrettent toujours l'URSS bureaucratico-capitaliste d'avant 1990/91, rendent l'OTAN impérialiste unilatéralement responsable de l'escalade, reprennent sans critique les justifications de Poutine ou propagent des illusions pacifistes. Le parti révisionniste Communistes de Russie (PCCR) s'est exprimé ainsi :
« En tant que communistes et patriotes de notre patrie, nous soutenons la décision de mener une opération militaire spéciale en Ukraine. »154
Quelle lamentable prosternation devant le nouvel impérialisme russe ! Vladimir Poutine ne venait-il pas de cracher au visage des communistes Lénine et Staline en leur reprochant de reconnaître le droit à l'autodétermination de l'Ukraine ?155
La présidente de la SDAJ156 Andrea Hornung considère certes la Russie comme un pays impérialiste – à la différence de la direction du DKP, mais elle met en garde :
« Nous devons nous démarquer clairement de toute position d''' équidistance "157 selon laquelle la Russie et l'OTAN seraient agressives de la même manière. »158
Bien sûr, l'analyse concrète de la situation concrète exige une position différenciée, mais surtout claire. La mise en garde contre une prétendue « équidistance » ne doit pas conduire – comme chez Andrea Hornung – à faire passer la Russie pour le meilleur impérialiste :
« La Russie est cependant sur la défensive face à l'OTAN et cela ne peut pas nous laisser indifférents en tant que marxistes. »159
L'offensive et la défensive dans la guerre sont deux formes de mouvement indissociables. Une guerre est-elle juste du seul fait qu'elle prétend être défensive ? Celui qui protège un impérialiste parce qu'il est justement « sur la défensive », nie le caractère de classe de l'impérialisme et de la guerre impérialiste. Il ouvre la porte à la défense tantôt de tel impérialiste, tantôt de tel autre, et glisse ainsi vers une position sociale-chauvine.
Oskar Lafontaine, président de longue date du SPD puis du parti Die Linke, se distingue sans aucun doute par une analyse réaliste de la guerre impérialiste actuelle et fait clairement partie du camp de ses adversaires résolus. Mais il répand en même temps l'illusion que l'impérialisme peut se passer de la guerre. C'est ainsi qu'il a justifié sa démission du parti Die Linke le 17 mars 2022 par le fait que « les principes de la politique de paix du Parti de gauche sont maintenant balayés ».160
Ces « principes de politique de paix » n'ont cependant jamais été que des illusions petites-bourgeoises et pacifistes sur la paix impérialiste qui résulterait de « la conciliation des intérêts » entre les puissances impérialistes. Mais comme l'impérialisme se caractérise par l'évolution inégale des différents pays, il est inévitable qu'à partir d'une certaine situation, la conciliation des intérêts tant vantée ne fonctionne plus. C'est alors que la lutte des puissances impérialistes pour la domination du monde se fait par des moyens violents dans la guerre impérialiste. Celui qui veut supprimer les guerres impérialistes doit être prêt à éliminer leurs causes inhérentes et à surmonter l'impérialisme.
Une compréhension profonde des changements dans le système impérialiste mondial présuppose aujourd'hui la connaissance des bases politiques et idéologiques essentielles de la résistance prolétarienne active. Les militants doivent comprendre qu'une série de pays néo-impérialistes ont vu le jour et qu'une immunité idéologique est nécessaire contre la pensée petite-bourgeoise sociale-chauvine, petite-bourgeoise anticommuniste et petite-bourgeoise opportuniste.
La stratégie et la tactique de la résistance active
La stratégie et la tactique de la résistance active contre le danger de guerre mondiale visent à passer de la défensive stratégique de la classe ouvrière internationale à l'offensive stratégique jusqu'à la révolution socialiste. Cela a réussi pour la première fois lors de la révolution d'Octobre 1917 en Russie. La résistance active nécessite le développement de la capacité des marxistes-léninistes à mobiliser et diriger directement les masses populaires.
La résistance active se distingue qualitativement des protestations. Le programme du MLPD stipule ainsi :
« Le déploiement de la résistance populaire active ... se caractérise par des actions de masse combatives contre les monopoles et l'État. » 161
La résistance active doit être encouragée et développée de manière systématique :
« Pour faciliter aux masses populaires le pas vers la résistance active, il faut organiser des actions de résistance adaptées à chaque niveau de conscience dans l'entreprise et le quartier, renforcer l'unité d'action et former des groupes de résistance. »162
La résistance active ne se développe qu’en lien avec la prise de conscience.
- Du refus de la guerre, de l'épouvante, du simple mécontentement, de l'indignation morale, de la paralysie et de la passivité à l'activité pratique.
- De la condamnation spontanée de la guerre injuste à la connaissance de ses causes inhérentes dans le système mondial impérialiste.
- Des effets de la désorientation, de la désorganisation et de la démoralisation par le système social du mode de pensée petit-bourgeois à une position de classe prolétarienne.
- Des mesures purement défensives aux formes de lutte offensives.
- De la résistance morale à la manipulation de l'opinion par la préparation et la conduite psychologiques de la guerre vers le passage à la clarification active et la prise de conscience des causes sociales de la guerre.
- Venir à bout de l'anticommunisme pour participer activement au mouvement « Aucune chance à l'anticommunisme ! »
- Sortir de l'activité spontanée contre la guerre pour s'organiser dans la résistance active et lutter pour le socialisme.
L’assimilation de la situation avec l'aide des marxistes-léninistes est liée aux expériences pratiques de lutte de la classe ouvrière et des larges masses populaires. Elles feront leurs expériences de la répercussion massive des fardeaux de la crise et de la guerre sur les masses, de l'envoi de troupes fédérales en mission de guerre, de l'enrôlement de réservistes, de la suspension des droits et libertés démocratiques, etc.
Parmi les jeunes, la lutte antimilitariste prend une importance particulière. Elle relie l'activité pratique contre les présentations publicitaires de la Bundeswehr dans les écoles et contre la militarisation de la recherche et de la formation avec un travail d'instruction et d'éducation. Ce qui est essentiel c’est la lutte pour le mode de pensée contre l'intrusion de la propagande militariste, de la démagogie völkisch163 et de l'idéologie fasciste.
Le mouvement combatif des femmes est confronté au défi d'unir la masse des femmes contre la guerre impérialiste et de travailler comme lien décisif entre le mouvement ouvrier et la résistance populaire active.
La résistance active est étroitement liée aux luttes pour le maintien et le développement des acquis sociaux ainsi que contre la répercussion des fardeaux de la guerre et de la crise, et à la lutte pour les droits et les libertés démocratiques des masses populaires.
La résistance active nécessaire aujourd'hui vise notamment à une solidarité inébranlable avec la classe ouvrière et les larges masses en Ukraine. Celles-ci paient actuellement un lourd tribut de sang dans la lutte contre l'agression impérialiste de la Russie, mais aussi en tant que peuple qui doit porter le chapeau pour l'OTAN et l'UE.
La résistance active a besoin d'un programme avec des revendications claires :
- Résistance active contre la préparation d'une Troisième Guerre mondiale !
- Arrêt immédiat de l'agression de la Russie et retrait de toutes les troupes russes de l'Ukraine !
- Réparations russes pour tous les dommages de guerre et punition intransigeante des violations des droits de l'homme !
- Neutralité militaire de l'Ukraine et zone démilitarisée à la frontière entre l'Ukraine et la Russie !
- Retrait de toutes les troupes de l'OTAN et des armes stationnées en Europe de l'Est !
- Dissolution de l'OTAN et des autres alliances de guerre ainsi que des forces d'intervention contre-révolutionnaires comme l'OTSC164 !
- Pas de livraison d'armes et pas de soutien logistique à des guerres injustes !
- Levée de l'embargo sur les armes contre les mouvements de libération anti-impérialistes !
- Renonciation obligatoire à la première utilisation d'armes nucléaires – interdiction et destruction de toutes les armes ABC !
- Les plans de réarmement de l'armée allemande doivent être abandonnés – adieu le « fonds spécial de 100 milliards d'euros » !
- Retrait de toutes les troupes allemandes de l'étranger !
- Pas de répercussion des fardeaux de la crise et de la guerre sur les masses populaires ! Lutte pour un rabiot salarial !
- Mesures urgentes et drastiques pour la protection de l'environnement ! Sauvons l'environnement de l'économie de profit et de la guerre impérialistes !
Les principes de coopération sur un pied d'égalité sont indispensables à la résistance active, tout comme une large démocratie, la non-affiliation à un parti, l'ouverture idéologique sur une base antifasciste et internationaliste, la culture de débat démocratique et l'indépendance financière.
La résistance active contre les puissances et les blocs impérialistes doit être développée et organisée dans la perspective de devenir une force supérieure à l'impérialisme. Le mot d'ordre de l'heure est la poursuite de la construction et le renforcement d'un Front uni antifasciste et anti-impérialiste à l’échelle mondiale, tel qu'il a été conçu dans l'appel commun165 de l'ICOR et de l'ILPS166.
L'organisation révolutionnaire mondiale ICOR s'est clairement positionnée dans ses résolutions avant et depuis le début de la guerre.167 Dans de nombreux pays, notamment en Ukraine et en Russie, ses organisations membres encouragent des activités contre la guerre, font un travail d’explication actif sur l'impérialisme et développent les forces du socialisme. C'est ainsi que s'intitulait la déclaration d'une réunion extraordinaire du groupe de coordination international (ICC) de l'ICOR en mai 2022 :
« Empêchons la IIIe Guerre mondiale en accroissant les forces pour le socialisme ».
Mais l'unité de l'ICOR tout comme celle des forces du Front uni doit être conquise de haute lutte. L'ICOR doit venir à bout des effets du mode de pensée petit-bourgeois et social-chauvin ou de la sous-estimation des préparatifs de la Troisième Guerre mondiale, par exemple comme étant une affaire uniquement limitée à l'Europe.
Le baptême du feu décisif de l'ICOR sera d'atteindre une nouvelle qualité de l'internationalisme prolétarien d'action dans la coopération mondiale. Cela comprend le renforcement de l'organisation de l'ICOR ainsi que le développement à un niveau supérieur de la coopération et de la coordination pratiques en relation avec la construction et le renforcement considérable des partis révolutionnaires dans de plus en plus de pays.
Pour chaque marxiste-léniniste révolutionnaire, il y a dans cette situation rien que la voie vers l'avant, telle que Lénine la décrit :
« Détachée de la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat, la lutte pour la paix n'est qu'une phrase pacifiste de bourgeois sentimentaux ou qui trompent le peuple. … Nous devons donc aider les masses à renverser l'impérialisme ; faute de quoi, la paix sans annexions est impossible. Naturellement, la lutte pour le renversement de l'impérialisme est difficile, mais les masses doivent connaître la vérité sur cette lutte difficile et pourtant nécessaire. On ne doit pas les bercer de l'espoir d'une paix acquise sans le renversement de l'impérialisme. »168